Et si on faisait la fête ? {Morgan}

─ Je te serre un verre ?

Il était là, lui montrant une bouteille de whisky.
Le regard de Sergen s'alluma d'un feu vif et tout son visage se mua. Il eu une expression très très intéressée, car après tout il allait sans dire que dans ses années de solitude, Sergen avait eu le temps d'apprendre à apprécier certains alcools. Dont le whisky. Donc comme tout le monde pouvait ainsi le deviner, monsieur était devenu fin connaisseur, d'où le fait que Chester se soûle à ça l'attriste énormément. La mine très attirée par la bouteille, Sergen avait effectivement tout de suite reconnu l'alcool de prestige. Tentation.
Il laissa échapper quelques petits bruit, sons souffle retenu dans une nouvelle moue. Sacrebleu, pouvait-il se dire. Il était diablement tenté, mais c'était mal. C'était mauvais d'entamer une si bonne bouteille dans un contexte si dangereux. Des zombis pouvaient encore trainer ! Hésitant, oscillant entre vice et vertu, le grand homme fronça les sourcils en pinçant les lèvres. Il ne fallait pas céder.

─ T'sais quoi ? Non. A bouteille exceptionnelle conditions idéales.

Oui, il fallait respecter cette bonne bouteille, cette superbe bouteille, cette magnifique bouteille qui divulguait tant de promesses. Bien sûr qu'il la dégusterait avec plaisir, autour de convives intéressés aussi sans doutes, mais autour de convives c'était là le mot. Idéalement, il l'aurait ouverte autour d'un feu de cheminée. En plein mois de décembre. En plein cœur de l'hiver il l'aurait poétiquement débouché et aurait versé ce petit remontant divin à ses amis. Là, ce n'était pas l'endroit ni le moment.

─ On s'l'ouvrira, posé au Refuge autour d'une bonne table avec de bons plats.

Sergen avait toujours aimé recevoir, plus jeune.
C'était un très bon hôte, il aimait également cuisiner. Oui, il trouverait de quoi faire de bons plats et là alors, ils pourraient sortir cet élixir des plus appréciés. Dé Déterminé, il était persuadé que c'était la bonne chose à faire, bien qu'un recoin de son esprit lui criait à tord et à travers de gouter ici et maintenant le breuvage. Mais il n'écouterait pas cette voix.

Il tomba plus loin sur une bouteille au liquide doré, elle trônait sur une ancienne étale vidée, à hauteur de visage. Il observa celle-ci, elle semblait avoir été débouchée. Surpris, il s'approcha... Pour sentir une douce odeur. Un fumet... nauséabonde. Ultimement repoussé par l'odeur de vieille urine rance, il eu une grimace révulsée. Il recula.

─ Bordel de dieu c'quoi le soucis des gens ? 'Pissent dans les bouteilles d'alcool maintenant !

Il s'éloigna rapidement de la bouteille remplie de fluide humain non identifié pour retourner vers Morgan, encore dégouté par cette vue si spéciale qu'était cette bouteille. Il regarda celui-ci d'ailleurs en faisant un signe de la main pour faire le fameux "ils sont fous".

Sergen comprit qu'il avait été mal comprit, en fait.
Morgan ne voulait pas partager la bouteille avec les autres, le grand homme s'offusqua de cette remarque et dès qu'il eu finit de parler -pour proposer d'offrir la bouteille de pisse à Chester d'ailleurs, le filou- il corrigea son ami.

─ Ah non non mais la bouteille j'la planque ! J'parlais que d'nous non non non.

Ah ça non, lui il l'était égoïste là pour le coup !
La bouteille elle était pour lui et Morgan, c'est tout, point barre. Quoi que même d'ailleurs, il précisa un peu plus le fond de sa pensée.

─ Et encore, c'parce que t'veux bien la partager avec moi. T'l'aurais gardé pour toi tout seul j'aurais pas contesté.

C'était lui qui l'avait trouvé après tout.
Sergen partait du principe que ce qui était trouvé par la personne lui appartenait donc pleinement et entièrement. Il ne mettrait jamais la main sur quelque chose qui n'avait pas été déposé au stock commun sous prétexte qu'il avait été là quand elle avait été déniché. Il lui fallait l'accord de la personne avant tout, il était un homme de principe. Il agita la main à nouveau, montrant la bouteille et relâchant ses épaules, il savait qu'il ne pourrait pleinement l'apprécier là maintenant.

─ C'juste que si on l'ouvre maintenant moi j'bois direct la moitié maintenant, donc non.

Homme de principe un peu fragile des fois. Fallait pas pousser mémé dans les orties, lui aussi avait ses péchés mignons qui pouvaient tourné au désastre s'il ne se maitrisait pas un minimum. Il lui fallait bien un peu de rigueur d'esprit pour résister à cette belle bouteille ambrée. Cette couleur ambrée qui lui semblait si belle, si délicate, tant emplie de parfums insoupçonnés. Il fixait la bouteille d'un air un peu hagard, on sentait presque le filet de bave pointer au coin de sa bouche, à peine retenu par la pointe de raison qu'il avait.
Il cligna des yeux et détacha son regard de la bouteille.
Il avait dit qu'il résisterait, bon sang !
Il se serait cru sur l'île de la tentation, à la place des humains lui un verre et les tentateurs des bouteilles de whisky.

─ Dis-moi, pourquoi le whisky et pas un autre alcool ?

Sergen avait observé Morgan, le détaillant quelques instants et le voyant ainsi ranger la bouteille pour la mettre dans son sac à dos. Il hocha la tête en fermant les yeux, consentant à expliquer le pourquoi du comment. Même s'il n'y avait pas d'histoire extraordinaire par rapport à son rapport avec cet alcool, en réalité.

─ J'savais pas quoi faire d'la thune que j’amassais avec la pension militaire, vu que j'dépensais rien. La bière c'est bon quand on a des amis. Il fit une pause. Alors un jour j'acheté une bonne bouteille de whisky sur un coup de tête.

Il haussa les épaules, c'était franchement le scénario le plus idiot du monde. Enfin c'est ce qu'il pensait, au final il avait juste claqué sa thune dans un bonne bouteille de 12 ans d'âge ce n'était pas si idiot que ça. Plutôt que de finir alcoolique à la bibine, il avait fait le choix de savourer à petite dose un alcool plus fort très périodiquement, quand son moral était bas. Au final il n'en avait pas beaucoup bu, se souvint-il. Mais il avait développé ainsi le goût des bonnes choses.

─ Je m'étais dit, quitte à boire tout seul, autant prendre un bon truc qu'j'ouvrirais pas souvent.

Il n'ajouta pas qu'il n'avait pas eu beaucoup de plaisir à l'avoir seul, le goût lui avait plu, alors il avait continué. Il avait évité l'ivresse, restant sage. De toutes façons il n'avait jamais vu l'intérêt d'être soûl et d'avoir une gueule de bois le lendemain. Il haussa les épaules une dernière fois pour Morgan, lui montrant ainsi la simplicité de son choix. Son inconscient s'était dit simplement que l'argent là ne lui aurait servit à rien. Savourer quelque chose d'un peu plus piquant par contre avait été un peu plus utile, après ça il avait trouvé des bonnes viandes, des bons légumes... Ainsi de suite. Mais bien malgré les ingrédients de prestige qu'il avait pu s'offrir en contrôlant ses dépenses... Quelque chose avait été ôté. Un élément manquant qui avait toujours laissé un arrière goût dans sa bouche. Oui, c'était ça. Personne avec qui les partager. Un relent amer de déception qu'il avait eu à tous les repas, que rien n'avait su effacer. Peut-être était-ce pour ça qu'au final il avait quitté sa maison si facilement et s'était dirigé inconsciemment vers le mall ? Il aurait pu survivre, seul, au final. Mais il aurait été seul, comme toujours.
Il eu une moue et redevint le géant paisible qu'il avait toujours été, tâchant de se détacher de ces pensées. Tout cela appartenait au passé, car désormais, il pouvait partager ses passions, ses trouvailles, ses lubies. Il avait gagné dans cet acte des choses qui ne s'achetaient pas avec l'argent. Un ami. Et aussi, bien sûr, sa femme. Mais avant tout, bien avant tout... De la compagnie. C'était surtout ça... cela ne s'achetait pas. Cela n'avait jamais été possible, ne l'était pas et ne le serait jamais. Son visage se décrispa doucement et il avança, serein, laissant les regrets de ses périodes de solitude s'égrainer loin derrière lui. Qu'importait au final, qu'importait.
Aujourd'hui il avait ce qui lui manquait.

Il se retourna, pour voir que les zombis commençaient à arriver en masse.
En très grosse masse.
─ Merde ! lâcha t-il, stupéfait d'avoir loupé ça.
Il regarda Morgan donc, très rapidement.
─ Faut s'casser j'crois, vitesse éclair !

Sachant que Morgan réagirait au quart de tour et qu'ils se suivraient sans doutes instantanément, Sergen dégaina donc son arme habituelle. Sa machette ne le lâcherait jamais ! C'était toujours utile, surtout quand ils s'étaient surpris comme ça par l'effet de groupe. Il tâcha cependant de ne pas trop secouer son sac, il ne voulait pas briser les bouteilles.
Mais il se servit quand même de son arme pour tenter d'en dégager deux, pour se frayer un passage puis-ce qu'ils commençaient à se faire encercler. Sergen était un homme d'action de toutes manières ! Pour lui le meilleur moyen de l'endiguer, c'était d'abbatre des têtes pour dégager le passage et s'enfuir ainsi avec efficacité. Il s'avança donc en essayant d'être rapide et de ne pas perdre Morgan de vue non plus.

Direction refuge, à l'abris !