Sunset [Morgan]

Icare poussa la porte de la cuisine.
Il était vanné, et il ne faisait aucun doute qu'après leurs pérégrinations de la journée, Morgan l'était aussi. C'était bien la première fois qu'il explorait plus d'un lieu dans la journée, et jamais, depuis son arrivée au refuge, il n'avait ressenti un tel état de fatigue. Ou si, peut-être le soir suivant le combat avec Guernica, mais cela restait de l'ordre de l'exceptionnel. En tous cas, il était bien content de n'être pas tombé sur une horde de zombies sur le chemin du retour, car ils auraient étés, lui et son compagnon, en grande difficulté pour les repousser.

Par la fenêtre, le soir déclinait. Il se souvenait avoir jeté un oeil par la fenêtre, le matin même, et d'avoir pensé qu'il n'y avait rien de plus beau qu'un lever de soleil. Le musicien avait désormais une objection à apporter à cette certitude. Il n'y avait rien de plus beau qu'un lever de soleil excepté un coucher de soleil. La luminosité offerte par le flamboiement du dehors donnait à la pièce, d'habitude morne et froide, un éclat nouveau. En cet instant, elle paraissait accueillante, presque chaleureuse...

Maintenant que l'état de stress et de tension dans laquelle il était à chaque seconde qu'il passait en dehors du refuge était retombé, il se rendait compte qu'il mourait de faim. Cela faisait plus de douze heures qu'il n'avait rien avalé, si l'on comptait le frugal quignon de main qu'il avait avalé le matin comme un petit déjeuner correct. Il s'assit à la table, invitant d'un geste son nouvel ami - dire qu'il le connaissait à peine le matin même, Dieu, cela paraissait si loin ! - à faire de même.

- Je meurs de faim !

Lui n'avait qu'une bouteille de vodka dans son sac, et ça ne nourrissait pas son homme.

Après l'escapade au Disco Fury puis à la discothèque, ils étaient rentrés au refuge sans plus tarder. Par chance, car s'en était bien une, ils ne croisèrent aucun zombie en chemin, arrivant entier à la maison. Il ne semblait pas y avoir grand monde ce soir, aussi quand Icare poussa la porte de la cuisine, ils étaient les seuls à y figurer.


" Je meurs de faim ! "

C'est vrai que la faim se faisait ressentir, maintenant qu'il en parlait. Être dans le feu de l'action agissait presque comme un coupe-faim, et la présence des zombies n’éveillait pas vraiment leur appétit.


" Je dois avoir quelques trucs dans mon casier... "


Il y alla faire un bref tour, juste le temps de récupérer quelques aliments. En pénétrant dans le refuge, sa chienne se leva d'un bond pour courir vers lui, la langue pendant et les lippes retroussés en un semblant de sourire canin. Il s'occuperait d'elle plus tard, en allant la sortir à Sun Plaza. Pour la faire patienter, il lui glissa une ration de croquettes pour chien, qu'elle s'empressa de gober. Il devrait aussi aller lui chercher des friandises...
Il retourna dans la cuisine après quelques minutes d'absence, apportant un paquet de céréale entamé et une bouteille de Coca-Cola.


" J'ai plus grand chose. Faudra penser à renouveler les stocks de nourritures du refuge. "


Les conserves partaient diablement vite, et le fait de poutrer du zombie nécessitait une sacré dose d'énergie. Ici, les calories avaient à peine le temps d'être assimilés par l'organisme qu'elles étaient déjà consommés.

- Je dois avoir quelques trucs dans mon casier...

Sur ce, Morgan quitta la cuisine.
Icare était seul. Il s'approcha de la fenêtre, regardant le soir tomber derrière les hauts buildings de la ville. On aurait presque dit une soirée normale dans n'importe quelle tour de San Diego. D'ici, on ne voyait ni les zombies ni les ruelles crasseuses. Il manquait juste quelques voitures et de la lumière aux fenêtres, et la soirées aurait été comme n'importe quelle autre soirée.
Et c'était remarquablement apaisant.

Icare se retourna en entendant la poignée se tourner.
Morgan revint, tenant entre ses bras une boîte de céréales, visiblement entamée, et une bouteille de Coca-Cola. Frugale pitance, mais on ne s'en formalisait pas. La nourriture restait de la nourriture, et elle était précieuse et rare.

- J'ai plus grand chose. Faudra penser à renouveler les stocks de nourritures du refuge.

Icare hocha la tête en s'asseyant à la table.

-Il faudrait aussi trouver de la musique, aussi. Une platine pour lire les vinyles, et une chaîne stéréo. Et des instruments, je suis sûr qu'un peu de musique ne ferait pas de mal au moral des troupes.

" Il faudrait aussi trouver de la musique, aussi. Une platine pour lire les vinyles, et une chaîne stéréo. Et des instruments, je suis sûr qu'un peu de musique ne ferait pas de mal au moral des troupes. "

Exact. Il leur fallait vraiment de la musique, ça devenait une question de vie ou de mort. Beaucoup était de leur avis, qui plus est, et beaucoup aussi serait prêt à dévoiler leur maîtrise de l'instrument à condition qu'on leur en fournisse un. L'idéal était d'aller dans le magasin adéquat, soit au Symphony.
Morgan y avait déjà été plusieurs fois, notamment en compagnie de Sergen où il avait amassé pas mal d'instruments. Il avait gardé pour lui une guitare basse, mais il lui en restait encore un, qui croupissait dans son casier à défaut de savoir en jouer.


" Ouais... En parlant d'instruments, si tu sais jouer du violon, je pourrais t'en fournir un. J'en ai un qui traine dans mon casier depuis un petit moment. "

Après ça, il n'y aurait plus qu'à monter un groupe et animer la soirée du refuge qui s'organisait progressivement, et qui ne devrait tarder à ce faire au vu de l'importance que prenait la tempête ces jours-ci. Oui, elle n'allait pas tarder à éclater, et ils devraient alors patienter au refuge le temps que tout se calme, en espérant que la tornade n'emporte pas le toit du mal... Ce qui ne devrait guère arriver, les tempêtes n'étaient au final pas si rare que ça, on prévoyait donc cette éventualité.

- Ouais... En parlant d'instruments, si tu sais jouer du violon, je pourrais t'en fournir un. J'en ai un qui traine dans mon casier depuis un petit moment.

...
Icare manqua d'avaler une céréale de travers. Un violon. UN EVIL FAKCKIN' VIOLON. Alors qu'il venait à peine de trouver une guitare au Symphony et qu'il reprenait enfin la musique après des mois d'abstinence, Morgan, sa nouvelle bestha - qu'il connaissait depuis le matin, mais passons - lui annonçait qu'il avait possédait un violon. Lui et son piètre courage avaient bravé par deux fois les goules du magasin pour tenter de trouver, sans succès, ce Saint Graal. Le violon, c'était son instrument fétiche, sa dope, son amphétamine à lui, et la rude vie du refuge et l'Apocalypse qu'il vivait depuis quelques mois n'étaient rien, pour lui, à côté de la torture infligée par le fait qu'il ne pouvait pas jouer de violon.

- C'est vrai ?! Je suis violoniste ! Bon, j'ai une guitare aussi et je me démerde avec, mais un violon... Je donnerai un bras pour pouvoir en jouer à nouveau !

Comme nature est bien faite.

" C'est vrai ?! Je suis violoniste ! Bon, j'ai une guitare aussi et je me démerde avec, mais un violon... Je donnerai un bras pour pouvoir en jouer à nouveau ! "

Bon, la réponse était donc oui, un peu qu'il le voulait. Avec un fin sourire et le regard brillant, Morgan reprit la parole.


" Bien, alors je te le donne. En échange, tu n'auras qu'à nous jouer un morceau à la fête du refuge.

Histoire d'animer un peu la soirée avec un air de préférence joyeux. Pour accompagner ses paroles, il se leva à nouveau pour aller à son casier, le laissant un court instant seul. Il revint en tenant précieusement la boite, la posant sur la table avant de l'ouvrir et de la tourner en direction d'Icare.
L'instrument verni semblait de bonne manufacture, mais il ne pouvait pas vraiment le confirmer, ne s'y connaissait pas particulièrement. Ça n'était pas un Stradivarius, mais un violon restait un violon, on ne pouvait pas être difficile avec tous ces zombies qui rodaient.

Bien, alors je te le donne. En échange, tu n'auras qu'à nous jouer un morceau à la fête du refuge.

Icare eut un sourire. Avec un nom pareil, ça faisait un peu kermesse de quartier, mais c'était plutôt amusant. Il avait plusieurs fois joué dans des manifestations de ce genre, plutôt des trucs country ou joyeux, et ça ne le dérangeait pas le moins du monde. Bien au contraire.

- Avec grand plaisir.

Sur ce, son ami s’absenta un instant. Le musicien, remarquant que la nuit était maintenant complètement tombée, alluma la lumière. C'était étrange de voir une aussi grande ville qui, de nuit, restait sombre - à quelques lumières près à la fenêtre des immeubles, peut-être des survivants ? Ou plus probablement, des néons possédant une longue durée de vie oubliés au moment de la fuite - noyées dans la masse de béton et d'acier.

Morgan revint avec un étui solide qu'Icare connaissait bien. Le coeur battant, il regarda son compagnon ouvrir la boîte et la tourner vers lui. Il examina l'instrument : il constata, avec un léger pincement au coeur, que le modèle que lui offrait son ami était de moins bonne facture que le sien, mais tout de même parfaitement correct. De toute façon, cela faisait des mois que cela lui manquait, et il n'allait pas faire son difficile quant à la qualité de l'instrument.

Il fit un sourire reconnaissant à Morgan et sortit l'instrument de son étui. Il posa son menton dans la mentonnière. Chacun des gestes lui revint naturellement. Le violoniste fit glisser l'archet sur les cordes, ajusta l'accordage en fonction. Il avait appris, au fil des années, à accorder son instrument à l'oreille.

Quand il fut près, il commença à jouer. Des morceaux simples, tout d'abord, qu'il réussissait bien. Toutefois, ses longs mois sans pratique se faisaient ressentir : des fausses notes s'échappaient de temps à autres, détruisant l'harmonie de ses morceaux. Mais il n'avait pas tout perdu, un peu de pratique suffirait à récupérer le niveau qu'il avait auparavant.