Résignation ─Luka

[Le dé qui accompagnera cette réponse -tardive, désolée- sera le 1000e du narrateur si je ne me fais pas prendre de vitesse... voilà, je tenais à ce que quelqu'un le sache ]

Alice ne répondit pas à sa blague sur Jacob. Après tout, c'était de bonne guerre, et elle devait reconnaître que c'était assez amusant. Pas que ce soit drôle en soi -au contraire, il y avait plutôt de quoi se lamenter que de se réjouir- mais simplement, l'insistance de son ami était un élément comique à part entière. Et Alice n'était pas susceptible, loin de là -heureusement, sinon, elle ne serait jamais devenue amie avec Luka, ni, dans une moindre mesure, avec Lise.

La mention de la journée plage, en revanche, la fit tiquer. Elle n'y avait pas vraiment fait attention à la première mention de Luka, mais, quand il revint avec un bermuda qu'il avait la ferme intention de garder malgré le peu d'esthétisme de la chose.

─ Euh, dis moi, t'es sérieux pour cette histoire de plage ?

Sortir la faisait un peu flipper. En fait, c'était carrément inconscient : après tout, la dernière fois qu'ils avaient mis les pieds dehors -les roues du bus, en l'occurrence- ils avaient failli mourir ensevelis puis dévorés par une horde de morts-vivants peu frais. Pas très glamour.
La Californie, certes, mais si Luka voulait surfer, il faudrait qu'il prenne garde aux goules, plus qu'aux requins traditionnels... Sans compter qu'un pique-nique à deux pas de mouettes picorant un cadavre n'était pas vraiment dans ses projets immédiats. Heureusement, il y avait du temps avant que l'été n'arrive vraiment, même en Californie : l'hiver pointait à peine le bout de son nez, et ils avaient devant eux de longs mois pour tenter de raisonner la lubie de Luka.

Avec joie, Alice aperçut ce qui ressemblait à une robe, juste en face des bermudas de son ami -ceux qui se sont déjà aventurés dans un magasin de fringues sauront que jamais ne leur est venue l'idée de trier par thème pour retrouver les choses autrement que par hasard. Elle se dirigea vers le présentoir. Alice n'avait pas une taille très difficile à trouver, et elle fut soulagée de voir que, en plus du maillot de bain, elle aurait désormais une robe noire à se mettre. Classique, manches courtes, pas trop de froufrou extravagants -à peine un peu de dentelle dans le dos, semblait-il. Parfait. Elle la prit, et la mis sur son bras. Faire du shopping dans ce mall était une expérience assez déconcertante, en fait.

[Haaan comment tu cheat! ]

Alice haussa un sourcil. Non, ce n'était pas une bonne idée. Et l'argument de Luka ne la convainquait pas tant que ça... Mais connaissant son ami, le contredire était à peu près aussi productif que de pisser dans un violon -cette expression l'amusait, même si elle s'en servait rarement à voix haute.

─ Il ne te reste qu'à convaincre Lorentz alors...

Et là, bonne chance mon pote... Certes, Luka avait un charisme certain, mais il y avait des limites. La simple idée de Luka suppliant Lorentz de les laisser aller faire un beach volley méritait une illustration à elle toute seule. Dommage qu'elle ne sache pas dessiner... Mais Alice visualisait tout de même très bien la scène. Son seul espoir, c'était que Lorentz ne juge pas qu'il était temps de faire une petite purge pour alléger la démographie du refuge. Mais elle savait que Lorentz n'était pas ce genre d'homme. Il les avait tous accueillis, après tout, et sous les airs bourrus de l'ours, l'homme veillait toujours.

Luka lui proposa un gâteau. Une boîte de Pim's à l'orange. Depuis combien de temps trainait-elle ici, et combien de goules avaient marché dessus...? elle savait que les goules ne se promenaient pas pieds nus et que le paquet n'était pas éventré à proprement parler, du moins pas au fond, mais tout de même. Alice accepta néanmoins le cadeau de Luka. Elle ne sut pas si elle devait le manger ou non, jaugea les risques, sentit, et même entendit, son estomac gargouiller, et décida plus sagement de le garder pour plus tard. Elle le mit dans sa poche, quitte à foutre des miettes partout dans sa veste. Cadeau pour la personne qui serait chargée de faire le ménage du refuge la prochaine fois -ils le faisaient à tours successifs.

─ Merci! M'en veux pas si je le mange pas tout de suite hein, j'ai repéré un truc là bas.

Et c'était vrai : quelques pas plus loin, elle avait vu ce qu'elle cherchait depuis qu'elle était arrivée ici : un sac. Un vrai. Bon, c'était un sac à main, et pas un sac à dos, à son grand dépit, mais c'était tout de même une bonne chose. C'était un grand sac en faux daim avec fond en simili-cuir -chez Top Model, la qualité n'était pas toujours au rendez vous-, pas esthétique pour un sou -pas à son goût, du moins. Le genre de sac où l'on peut rentrer sa maison, et peut-être même un morceau de celle des voisins. Elle prit le sac -c'était le dernier- et fourra tout ce qu'elle avait trouvé pour le moment dedans : robe, maillot de bain, et même le short. Cette virée shopping avait été plutôt satisfaisante, pour le moment. Alice revint vers Luka, et exhiba fièrement sa trouvaille.

L'avantage de traîner avec Alice, c'est que c'est une fille calme. Avant d'énerver Alice, il faut y aller -surtout avant qu'elle ne s'énerve sur vous, et pas seule dans son coin. Aussi accueillit-elle placidement la remarque de Luka. D'ailleurs, il avait quand même un peu raison, il ne pouvait lui enlever cela : ce sac n'était pas très beau -voire carrément moche- mais il avait au moins le mérite d'exister. Pas de chichis en période post-apocalyptique. Enfin, sauf si on était Luka. Lui, il avait le droit. Dérogation spéciale. Alice pensa qu'il avait essayé d'imiter une animatrice d'émission télé de mode, mais elle ne savait pas trop. Elle n'avait pas ce genre de références culturelles. Ou alors de très loin.

─ Merci, ça ira bien avec ce superbe mini-short que tu nous as dégoté.


Il ramassa une paire de chaussettes, qui déclenchèrent un déclic chez Alice. Elle n'avait pas de chaussettes. C'était bien beau de vouloir aller chercher des chaussures, mais elle avait oublié ce détail. Elle s'approcha donc du coin où trainait Luka, et mit la main sur une paire de bas en laine. Pas très glamour, mais confortable. Que demande le peuple ?