JF bien sous tout rapport recherche un peu de confort - Jacob

https://www.youtube.com/watch?v=FIs-QiED5Yw

Une fin d'après-midi du mois de Juin, somme toute classique.

Alice avait passé la journée à faire des plantations et ramasser celles qui avaient porté leurs fruits -et légumes. Elle avait le dos en compote, de la terre sous les ongles, et un coup de soleil sur le nez, mais elle se sentait plutôt bien. Après quelques heures passées au refuge quand il avait commencé à faire trop chaud -sur le coup de 16h, elle avait décidé qu'il fallait vraiment faire quelque chose pour son matelas. Depuis qu'elle était arrivée au refuge, il y a environ un mois, elle partageait un petit morceau de sol avec Lise, coincée entre le mur et les autres survivants de part et d'autre de ses pieds et sa tête. Son matelas était un matelas de camping tout défoncé, et on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle passait de super nuits. Non pas que ses nuits soient très longues, mais tout de même, elle sentait que son mauvais sommeil commençait à avoir des conséquences sur son humeur -en l'occurrence, Alice était plus vite agacée par un certain nombre de choses... Et Alice n'était pas du genre à être agacée. Elle se mettait franchement en colère en de rares occasions, quand il le fallait ou qu'on manquait de respect à un de ses proches -ou à elle-, et le reste du temps elle restait stoïque. Mais là, Alice se sentait de plus en plus comme une pauvre fille au bord de l'hystérie à chaque petit tracas du quotidien qui l'aurait en temps normal trouvée aussi impassible qu'un roc au milieu d'un océan de choses qui ne se passent pas comme prévu. Cela ne se répercutait pas sur son comportement, car Alice était maîtresse d'elle-même, mais c'était tout de même pesant. Ne serait-ce que pour son moral et son optimisme, qui en prenaient un coup. Alors Alice avait décidé de changer un peu les choses, et de trouver un matelas. Un vrai, confortable. Pourquoi pas un 140, pour le partager, lui en son confort, avec Lise, si elles trouvaient la place de le faire rentrer sur leur petit espace. Elle avait voulu y aller avec elle, mais elle ne l'avait pas trouvée, ni Lise ni Luka. Probablement fourrés ensemble à un endroit où un autre du mall -pour ce qu'elle en savait, peut être un salon de coiffure, connaissant Luka.

Elle s'était donc résignée à aller faire un premier tour de reconnaissance seule -elle ne pensait pas rencontrer de nuisibles sur la route, mais avait tout de même emprunté son couteau à Mythri, sa voisine de casier. Elle espérait ne pas avoir à s'en servir, mais doutait qu'il soit nécessaire, pas grand monde à la literie, d'après ceux à qui elle avait demandé. Simple précaution.

Ce n'était que sur le chemin que Alice s'était sentie très stupide d'y être allée toute seule : elle avait oublié de demander à Jacob. Pas plus mal, peut-être. Elle n'avait pas envie qu'il pense qu'elle le prenait pour un garde du corps. Et puis, ça aurait peut-être été un peu gênant.

Alice entra donc -presque- sans regrets dans la boutique de literie.

Le bruit des griffes qui cliquetant contre le sol fit se retourner Alice. Ce n'était pas le bruit d'une goule, mais son mouvement fut tout de même un peu trop vif pour le bien de sa nuque, qui lui fit savoir par une crampe douloureuse qu'elle n'était pas satisfaite de ce changement de direction soudain. C'est avec un soulagement teinté de douleur, et de la promesse d'un torticolis pendant quelques heures qu'Alice observa Ersatz s’asseoir à ses pieds, continuant à remuer la queue de droite à gauche, balayant le sol avec une joie non dissimulée.

- Salut, toi. T'as perdu ton maître ? fit-elle, en se penchant pour grattouiller le berger suisse derrière les oreilles -là où sa fourrure blanche était toute douce et duveteuse.

Le bruit des pas du maître en question fit se redresser Alice, qui s'attendait de toute façon à le voir apparaître : elle aurait été plutôt (très) inquiète si Ersatz se promenait tout seul dans le centre commercial.

Tandis que Jacob tentait de détendre l'atmosphère, Alice continuait de caresser la tête d'Ersatz, qui semblait apprécier le traitement. Les commissures de ses lèvres se redressèrent en un sourire amusé à la dernière remarque de Jacob.

- Je crois bien que tu as raison. On a un bon feeling, lui et moi. Enfin je crois. T'es d'accord ?

La question était adressée à Ersatz.

- Tu as besoin d'un matelas, ou bien Monsieur t'as fait faire un détour ?

Alice ne se souvenait pas de ce sur quoi dormait Jacob, mais elle était prête à parier que son lit était plus confortable que le sien. Et le pire, c'est qu'il ne l'occupait pas vraiment, ce lit en question. Il passait souvent l'essentiel de sa nuit -parfois jusqu'aux premiers frissons de l'aube- sur le toit. Il n'avait jamais beaucoup dormi. Mais Alice n'allait pas pour autant lui voler son lit, sous prétexte qu'il ne l'occupait pas. C'était lui qui risquerait de prendre peur, sinon.

- Le deuxième, je parie.

Alice sourit à nouveau, puis se redressa pour de bon, et montra les rayons devant eux d'un vaste geste de la main -un peu vague, ne sachant sur quoi s'arrêter.

- Ça te dérange de me servir de seconde paire de bras, alors ? J'étais venue prospecter en prévision de la réalisation de mon projet du moment, qui consiste à nous offrir, à Lise et moi, un matelas décent.

Elle ajouta, se sentant d'humeur communicative :

- Mais ne lui dis pas, cela dit. Ca lui fera la surprise.

Alice ne savait pas trop ce qui lui prenait, mais elle se sentait bien -du genre de "bien" qui arrive la plupart du temps après quelques verres de cidre. Elle ne savait pas s'il fallait le mettre sur le compte de la fatigue ou sur la joie de voir un autre réfugié alors qu'elle pensait être seule -d'autant plus que le réfugié en question était Jacob, dont elle apprenait peu à peu à apprécier la compagnie sans trop de malaise. Comme quoi, la proximité forcée -eux, plus une quinzaine de personnes-, ça rapproche. Elle était néanmoins reconnaissante que ce rapprochement se fasse dans le bon sens, et pas dans un sens gêné, bizarre, ou pire encore.

Et en lui demandant ce qu'elle voulait, il effleurait presque par inadvertance un lit King Size, américain de format : plus épais qu'elle, ou plutôt qu'eux deux -plus Ersatz- réunis, ou du moins c'est ainsi qu'elle aimait s'imaginer ce lit -délice de confort potentiel- dont elle ne voyait que la face avant, sans perspective. Alice ne prit même pas la peine de faire le tour du matelas, ou d'y réfléchir : elle était assez réaliste -ou pas assez optimiste?- pour (sa)voir que ce lit resterait un doux fantasme, à jamais inaccessible. Petit un, ils ne pourraient pas le transporter; petit deux, le matelas était bien trop imposant pour le dortoir du refuge. Il n'était certes pas encore tout à fait plein à craquer, mais il faisait assez chaud en ce début d'été pour que la chaleur humaine lui fasse regretter, la nuit, de ne pas avoir de ventilateur. Un indice parlant, donc, sur l'impossibilité indécente d'occuper autant d'espace à elle toute seule - à elles deux, si elle comptait Lise dans la partie.

C'est donc avec un soupir que Alice détourna les yeux du lit.

- J'aimerais bien rêver, et ça me semble être l'endroit approprié pour ça mais... je pense que je vais partir sur quelque chose de plus classique. Genre, un matelas de 120. 140, max, rectifia-t-elle après une courte réflexion. Bref quelque chose qu'on puisse ramener, compte tenu de mes bras mous.

Mou n'était pas exactement le terme ; ils se définissaient plutôt par l'absence de tout muscle convainquant. Ce qui n'était guère mieux.

- Bref, je propose de changer de rayon, et tenter notre chance du côté des premiers prix. Matelas pas trop épais, de préférence roulé et comprimé dans du plastique, facile à transporter.

Finalement, peut-être n'était-elle pas si réaliste que ça, se fit-elle remarquer. Facile à transporter et matelas dans la même phrase, dans un tel contexte, étaient le début d'une douce utopie. Au mieux, ils s'en tireraient avec un gros stress tout le long du trajet, et de muettes prières pour ne croiser "personne".

Alice changea donc de rayon, partant au hasard à gauche pour tenter de trouver quelque chose de convenable.

[EDIT : Bon ok je ne fais pas de commentaire RP sur ce dé fourbe et ironique, kss on y était presque]

Alice lança un regard à Jacob, presque agacée, sans trop qu'elle sache pourquoi -enfin, si, elle savait pourquoi, mais n'avait pas envie de ramener des souvenirs de vie commune et de disputes de la vie quotidienne sur le tapis, ou du moins le matelas, surtout pas maintenant. Elle avait presque oublié que Jacob vivait sur sa propre planète, et surtout, que cette planète était environ à 1 000 kilomètres de ce qui se passait dans sa tête à elle -au temps pour le cliché du couple où l'un peut finir les phrases de l'autre, ou où les deux protagonistes peuvent se comprendre en l'espace d'un échange de regard.
Elle prit cependant la peine d'expliquer à Jacob ce qu'elle voulait dire, sans laisser transparaître le sentiment égoïste qui l'avait traversée l'espace d'une demi-seconde -après tout, il ne lisait pas ses pensées. Elle le soupçonnait d'avoir bien assez à faire avec les siennes.

- Il arrive que les matelas -les vrais, avec de la mousse, et pas juste les nattes de camping- soient comprimés, sans air, dans un film plastique, roulés pour prendre moins de place et être plus facile à transporter. Je ne sais pas si c'est le cas ici, mais j'espère. Cela dit, si on trouve un truc de camping, je suis aussi preneuse -je pourrai toujours l'ajouter sous mon matelas actuel.

Ledit matelas était très probablement un matelas de camping, d'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait. Enfin, elle ne pouvait pas vraiment savoir -elle n'avait pas une très grande expérience en la question, ses parents ne l'ayant jamais emmenée camper.

- Merci ! Ca pourra être utile cet hiver.

Si la chaleur corporelle d'une vingtaine d'individus dormant dans la même pièce ne suffit pas à me réchauffer.

Si tant est que je sois encore vivante d'ici là.

Poussant ces ondes négatives de côté, Alice offrit un sourire de remerciement à Jacob, et noua le plaid sur ses épaules. Non pas qu'elle ait froid ; mais c'était encore la méthode la plus pratique pour garder ses bras libres. Une grande cape qui faisait plusieurs fois le tour de son cou et qui lui tenait bien trop chaud pour la saison, mais qui au moins ne traînait pas par terre, et ne serait probablement pas attrapée par une goule gisant au sol. Edna Mode serait fière.

-Oh! Regarde ça!

Alice attrapa l'oreiller bien moelleux qui trônait sur l'étagère suivante, et le lança à Jacob -et un nouveau sourire, sincèrement satisfait, cette fois.

- Qui c'est qui va enfin passer de bonnes nuits ?

En entendant sa voix triomphante claironner à ses oreilles, Alice s'assombrit imperceptiblement. Elle se rendait compte maintenant qu'elle aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Qui allait enfin passer une bonne nuit ? Pas Jacob, de toute évidence. Et il était assez peu délicat de le lui rappeler. Elle ne l'avait pas fait exprès, et n'était même pas sûre qu'il remarque la gêne qui était passée furtivement dans les yeux de Alice, suivie d'une lueur d'excuse.

(Dix jours plus tard... désolée du délai, me suis pas rendue compte que le temps passait si vite!)

Alice adressa un regard teinté de reconnaissance à Jacob pour ne pas avoir relevé sa petite gaffe. À vrai dire, il ne lui était pas venu à l'idée qu'il ne l'avait tout simplement pas remarquée, et elle prenait son ignorance bénie du malaise qui l'avait habitée un quart de seconde pour un simple stoïcisme résigné et philosophe de sa part. Si Jacob était probablement capable de ce genre de choses (bien qu'elle le considère davantage comme pessimiste-réaliste-résigné-parfois-un-poil-cynique, ce qui posait problème face à son propre optimisme-réaliste-plein-de-positivité-apaisante-ou-parfois-agacante-suivant-les-gens), ça n'en était pas moins une agréable surprise.

Il lui tendit dans la foulée une taie d'oreiller rayée, ma foi fort peu esthétique, mais après tout, ça n'avait pas vraiment d'importance -ils avaient pour le moment autre chose à faire que d'écumer le magasin à la recherche d'une taie d'oreiller correcte, dans la mesure où des goules pouvaient toujours, aux dernières nouvelles, débarquer à chaque instant et casser quelque peu l'ambiance "boudoir" qui s'installait doucement mais sûrement entre eux.

Ma pauvre Alice, faut vraiment que tu te poses un moment.

Et, comme souvent, cette petite voix interieure avait raison. Alice commençait doucement mais sûrement à sentir la tête lui tourner, de plus en plus fort, des papillons noirs se projetant devant ses yeux pourtant ouverts -avait-elle mangé, le midi même ? elle ne se rappelait plus-, ce qui était plutôt alarmant en un milieu hostile comme celui-ci. Elle eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour proposer à Jacob de rentrer qu'elle perdait l'équilibre, tombant sur le sol, tandis qu'un râle plutôt répugnant -mais unique- se faisait entendre sur leur gauche, à quelques mètres seulement de l'entrée du magasin. Elle ferma les yeux et pris une grande inspiration, puis, sans vraiment attendre que la tête arrête de lui tourner -avait-elle le choix ?- elle se releva, s'appuyant contre Jacob. Paie ton moment pour faire une baisse de tension.

- Désolée. Sont nombreux ?

Alice lança un regard furtif à l'arrière boutique en question, puis à l'inquiétude qui rallumait les yeux un peu éteints de Jacob.

- On va faire aller, pas trop le choix. Tant pis pour le matelas...

Elle le regarda non sans une pointe de nostalgie -Ô douces nuits de sommeil, quand reviendrez-vous?-, qui s'effaça vite au profit de l'urgence qui se présentaient à eux : il fallait qu'ils filent, et vite.

Elle fourra la taie d'oreiller dans son sac, et se dirigea vers la sortie de la boutique en même temps que Jacob. S'ils avaient de la chance, le chemin de retour se déroulerait sans encombres, si toutefois le grand Barbu là haut leur donnait un coup de pouce.

Alice avançait aussi droit et aussi vite qu'elle le pouvait, dans un état second.